mardi, octobre 12, 2010

Retraites : le téléscopage des temporalités

Quoiqu'on dise, le système des retraites français est un contrat à long terme.
On cotise dès son premier emploi, et en retour on a l'assurance, dans plusieurs décennies, de revenus dans la dernière partie de sa vie selon certaines règles.
C'est pour cela qu'il est extrêmement délicat de toucher aux règles pour ceux qui ont déjà commencé à cotiser.
En strict droit contractuel, ils devraient explicitement donner leur accord pour la modification des règles.
De ce point de vue la proposition du référendum est l'idée qui serait la plus intelligente pour sortir de la crise de cet automne 2010.
 La question posée devrait alors telle celle-ci :
"Acceptez-vous l'ensemble des modifications inscrites dans le projet de loi xy concernant le contrat qui vous lie à l'État en tant que cotisant aux caisses de retraites ?"
Cela supposerait un texte de loi assez simple – quelques articles – et impliquerait, si acceptation, l'acceptation des dispositions techniques requises pour les mettre en œuvre.

Mais on n'aura pas cette solution, parce que nos gouvernants sont, quoiqu'ils disent, dans le court terme.

Par quel miracle les caisses de retraite pourraient-elles avoir des comptes équilibrés ? Sauf à changer constamment les règles, ce qui enlèverait tout sens au système, les rentrées (cotisations) ne peuvent jamais être ajustées aux sorties (pensions), du fait des aléas de l'histoire et de la démographie.
C'est là que se trouve le plus incongru dans la réforme aujourd'hui proposée : on va demander à un jeune qui s'engage sur le marché du travail de cotiser, tout en le laissant dans l'incertitude sur l'âge où il pourra faire valoir ses droits à la pension de retraite, ni lui donner d'assurance sur le montant de cette pension, puisque la réforme proposée n'est pas totalement financée et qu'en conséquence on annonce des révisions régulières des règles.
Le gouvernement veut en réalité faire porter sur les salariés et retraités à venir les aléas – à effets forcément négatifs sur les caisses de retraite – d'une économie marchande qui oriente toujours plus de flux de richesses vers quelques poches privées.

Il est certain qu'il y a eu une très longue période – les Trente Glorieuses – en laquelle le système était très bénéficiaire : générations décimées par les guerres, faible espérance de vie après 65 ans.
Où est passé l'argent de nos cotisations d'alors ? N'aurait-il pas du être géré dans la perspective du renversement des paramètres démographiques, largement prévisible ?
Et la question est posée non seulement à tous les gouvernants de ces dernières décennies, mais aussi aux trois grands syndicats de travailleurs, co-gestionnaires des caisses de retraite, de même qu'aux organisations patronales.

Tous ces responsables n'ont pas été à la hauteur de ce beau et ambitieux système de solidarité inter-générationnel instauré par nos pères au sortir de la Résistance. Et nous mêmes, quand nous pinaillons sur la définition de la pénibilité, ou autre durée de cotisation, tout en affirmant le bien fondé d'une réforme, ne sommes pas non plus à la hauteur de l'enjeu.

Car le système des retraites par répartition est un engagement des partenaires sociaux à long terme – sur plusieurs générations – et il ne peut en être autrement. Ses règles ne devraient pas être remises en cause par des aléas historiques telle une crise ponctuelle due à des spéculations financières – du moins pas sans consentement explicite des intéressés.

La question est : sommes-nous encore dans un rapport au monde en lequel l'horizon temporel soit suffisamment ample pour un tel système des retraites ?

Si oui, alors il faut nous donner tout de suite les responsables politiques qui soient à la hauteur de cet enjeu.

Si non, alors continuons, si nous voulons, à pinailler sur le contenu de la réforme. On reste dans le court terme. Le système marchand a déjà gagné : il a déjà préparé le terrain dans nos consciences pour que soit abandonné ce système de solidarité inter-générationnel, lequel, comme toutes les solidarités, gêne l'expansion du règne de la marchandise.

1 commentaire:

  1. Quel a propos ! Je suis bien d'accord avec toi . Si le discours des politiques pouvait être vrai plutôt que mensonge argumentatif, nous pourrions nourrir un vrai débat idéologique. On ne peut s'emparer d'un mensonge et le discuter, seulement le dénoncer et le débat reste stérile.
    Le problème est encore une fois un choix politique (nous qui nous plaignons de ne pas avoir assez de vrais débats politiques les questions qui se posent sont pourtant toujours politiques) et il semblerait qu'il soit difficile à mener de façon hexagonale. Il faudrait une mise en question des fondamentaux capitalistes sur lesquels les relations mondiales sont basées(le maximum de profit et de rentabilité à l'année !!! c'est du court terme !)...
    On entend dans les manifestations actuelles que les gens et les jeunes manifestent contre la réforme des retraites mais aussi, plus globalement, contre la politique économique...

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