mardi, avril 13, 2010

À propos des films écologiques édifiants

Nous pouvons qualifier d'édifiants la série des films, de contenu documentaire, qui veulent  sensibiliser aux problèmes écologiques et sociaux depuis 2006 (Une vérité qui dérange d'Al Gore).
Ils sont édifiants tout simplement parce qu'ils visent à fonder dans la conscience de chacun la discrimination entre ce qui est bien et ce qui est mal.
Ils le sont même dans un sens qui prolonge assez directement le discours religieux parce qu'ils donnent à voir les images emblématiques du mal (surtout), mais aussi du bien comme dans le film de Coline Serreau – Solutions locales pour un désordre global.
Hommage à ce dernier film : il est tellement plus délicat de faire image de ce qui est bien que de ce qui est mal !
Merci Coline !
Mais aussi hommage à tous ces films « édifiants » car ils atteignent à d'excellents niveaux de popularité, alors qu'ils ne sont pas des films de divertissement.
N'indiquent-ils pas l'antidote au « dérivertissement » ? Peut-être même sont-ils en train de lui donner un coup d'arrêt.
Car il ne faut pas trop se la jouer libéré.
Peut-être bien que l'homme ne peut se passer d'édification. Je parle de l'homme en tant qu'être social, car la vie sociale a besoin de références en lesquelles fonder un savoir commun du bien et du mal.
Or tous ces nouveaux films documentaires écologiques s'avèrent essentiels dans la construction de nouvelles valeurs collectives pour se dégager des abords de précipices vers lesquels nous a amené la logique mercatocratique triomphante depuis quelques décennies.
D'autant que ce sont aussi des films qui ne se contentent pas de toucher l'imaginaire et l'affectif, mais qui toujours aussi argumentent, donnant des chiffres, des évolutions, envisageant des rétrospectives et des perspectives historiques, etc.

Il reste qu'ils sont essentiellement édifiants, c'est-à-dire qu'ils valent d'abord par les figures du mal – et du bien – qu'ils donnent à voir.
En ce sens ces films peuvent apparaître comme auto-suffisants – quand on a une claire vision de ce qui est bien et de ce qui est mal, n'a-t-on pas tout ce qu'il faut pour vivre humainement (c'est-à-dire s'orienter dans la vie) ?
Mais il faut rester lucide sur l'important irréfléchi laissé en jachère par l'édification.
En effet on donne à voir une toute petite minorité de méchants (Monsanto, industriels de l'automobile, capitalistes financiers, etc.) et une toute petite minorité de bons (par exemple des militants d'ONG auxquels on donne la parole). Mais entre les deux, il reste presque toute l'humanité (6 bons milliards d'humains). Quel est son statut ? Implicitement le film édifiant induit à représenter cette immense majorité comme la masse passive (par opposition aux deux autres groupes, les actifs par excellence).
Or, elle ne l'est pas. Nul ne l'est. Elle subit et elle agit. Et c'est elle qui, finalement, fait les choix qui dessinent le monde tel qu'il est.
Pourquoi tant d'agriculteurs font-ils des choix d'agriculture intensive ? Quels désirs visent-ils à satisfaire à travers ces choix ?
On ne s'en sort pas en répondant qu'il s'agit de mauvaises influences – on n'est influencés que par ceux qu'on a satisfaction à suivre – ni de désirs malfaisants, ou de vices, tels la cupidité, la lâcheté, etc. De telles "explications" nous laissent dans l'incompréhension des motifs. Et ne comprenant pas d'où procède la thèse opposée, on n'a aucune chance de faire entendre sa propre thèse aux opposants.
Le résultat pratique : on méconnaît l'essentiel, les choix de la majorité de l'humanité. Ce qui est dans la logique du discours édifiant. Si l'on tient compte de ces choix on est amené à les condamner comme œuvrant  pour le mal. Et là c'est lourd à assumer !
Alors, on préfère ranger la quasi totalité de l'humanité dans un groupe prodigieusement prospère, celui des victimes passives. Dès lors il ne reste plus qu'à abreuver les masses de "il faut" afin de les rendre actives dans le sens du bien. Ce qui est vain.
Donc, statu quo. Il reste, malgré la multiplication des films édifiants et à succès, que les lignes ne bougent que dans la marge. C'est-à-dire non significativement.


Il faut reconnaître le progrès que constitue la multiplication des films édifiants. Mais on ne peut pas s'en contenter.
Ces messages édifiants ouvrent aux consciences la possibilité d'une autre configuration des valeurs. Mais ils sont insuffisants pour convaincre significativement.
Pour avancer vers un monde plus humain, et donc qui ne néglige pas l'habitabilité de son environnement planétaire, ce dont on a besoin, c'est beaucoup plus que de nouvelles images du bien et du mal.
On a besoin d'une réflexion sur les motifs qui font courir tant d'humains dans la mauvaise direction.

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